Soutenance HDR : Chris Reitnges

Chris Reintges soutiendra son HDR le 27 janvier 2020 à l'Université de Nantes. Son travail porte sur Anatomy of a Linguistic Universal: Greenberg’s Sixth Universal and the VSO/SVO Alternation in Early Egyptian.

Résumé

Notre travail explore la relation entre les lois linguistiques proposées par les typologues et leurs réflexes structurels dans la morphosyntaxe de langues particulières. Au centre de l'attention se trouve l’Universal 6 de Joseph Greenberg, selon lequel « Toutes les langues dont l'ordre VSO est dominant ont l'ordre SVO comme alternative ou comme seul ordre alternatif des mots ». Cette généralisation considérée comme un universel absolu qui s'applique à toutes les langues.

Les questions qui se posent face à cette généralisation typologique sont réexaminées en étudiant en détail les faits morphologiques et syntaxiques de l’égyptien de la première phase. Avec la tradition écrite la plus longue de toutes les langues, l’égyptien ancien, langue de l'Égypte pharaonique, offre des ressources linguistiques extraordinaires. Sa documentation est aussi riche et diversifiée que les langues classiques bien étudiées (grec ancien, latin). L'égyptien ancien est exceptionnellement bien adapté à l'étude de la variation synchronique ainsi que de la variation diachronique et du changement syntaxique.

Cette thèse porte sur trois problèmes principaux pour la validité empirique de cet universel. Le premier problème est lié au fait que les phrases d'ordre verbal-initiales et sujet-initiale ne sont pas synonymes. C'est dire que phrases avec le mot ordre verbe > sujet > complément (VSO) sont utilisés pour la description des événements et des actions. En d'autres termes, phrases avec l'ordre des mots VSO ont une interprétation dynamique. D'autre part, les phrases avec l'ordre alternatif des mots ordre sujet >verbe > complément (SVO) sont utilisés pour la description des états, en incluant les états qui sont le résultat d'événements antérieurs et lesquels qui surgissent spontanément. Les différences sémantiques systématiques que nous constatons entre l’ordre basique et l’ordre alternatif sont inattendues, mais n'invalident pas la validité de cette généralisation. Après tout, l’Universal 6 n'est pas concerné par les questions de sémantique.

La signification dynamique et statique, respectivement, des phrases VSO et SVO montrent un réflexe morphologique dans l'inflexion du verbe fini. Les verbes finis des phrases VSO appartiennent à un paradigme flexionnel dit "Eventif", tandis que les verbes finis des phrases SVO appartiennent à un paradigme flexionnel dit "Statif". Les verbes apparaissant dans le paradigme Eventif peuvent être infléchis pour les distinctions temporelles, aspectuelles et modales ainsi que la voix passive, mais ils ne peuvent pas être fléchis pour le concorde avec le sujet. En revanche, les verbes apparaissant dans le paradigme Statif peuvent être fléchis pour le concorde, mais ils ne peuvent pas être fléchis pour temps, aspect et voix passive. La division dans le système flexionnel entraîne des différences morphologiques entre les phrases d'ordre VSO et lesquels d'ordre SVO. Ces différences morphologiques sont tout à fait inattendues dans l'hypothèse selon laquelle les deux ordres sont ordres des mots de base.

Le troisième problème concerne la variation interne à l’ordre des mots VSO. Ce problème exige une étude approfondie de la variation syntaxique de cette langue. Il apparaît généralement que l’égyptien de la première phase possédait plus de variations qu'il n'y paraît. Cela signifie qu’on arrive à l’ordre des mots par des chemins dérivationnels différents et les positions précises des items dans deux motifs VSO peuvent être différentes. Cette analyse a une implication syntaxique importante : l’ordre VSO ne correspond pas à une configuration syntaxique unique. Pour vérifier cette hypothèse j’utilise des tests syntaxiques comme la position des adverbes et the clitique relative à la position du verbe et du sujet. Dans le cadre du programme « cartographique », la distribution des adverbes et de la négation a été utilisée comme diagnostic pour identifier les positions hiérarchiques des constituants principaux de la phrase. L’idée essentielle est que de tels adverbes occupent une place fixe dans l’organisation hiérarchique de la proposition, tandis que le verbe et ses arguments sont des éléments plus mobiles dans la phrase, qui peuvent apparaître dans diverses positions syntaxiques. En outres termes, les adverbes fournissent des points d’ancrage pour définir la variation interne à la syntaxe.

Dans la mesure où les phrases avec l'ordre de base des mots VSO représentent des constructions marquées et non marquées, il n'est pas clair comment l'ordre dominant des VSO peut être défini en termes configurationnels.

Jury

  • Hamida Demirdache, PR, Université de Nantes, Directrice de recherches, Garante
  • Sabrina Bendjaballah, DR, Université de Nantes, Membre du comité
  • Enoch Oladé Aboh, PR, Université d’Amsterdam, Pré-rapporteur, Membre du comité
  • Ruth Kramer, PR, Université de Georgetown, Pré-Rapporteur, Membre du comité
  • Lisa Lai-Shen Cheng, PR, Université de Leiden, Pré-rapporteur, Membre du comité,
  • Caterina Donati, PR, Université de Paris, Pré-rapporteur, Membre du comité