%0 Generic %B 5e Congrès Mondial de Linguistique Française %D 2016 %T Les relatives en dont du français : études empiriques %A Anne Abeillé %A Barbara Hemforth %A Winckel, Elodie %X

Résumé

Les relatives en dont ont fait l’objet de plusieurs études théoriques (Godard 1988) mais ont moins été étudiées d’un point de vue empirique (Gapany 2004). C. Blanche-Benveniste (1995) notait leur rareté dans des corpus oraux, où ils sont principalement compléments de certains verbes. Notre objectif est d’observer le comportement des relatives en dont en français d’un point de vue empirique. Pour ce faire, nous avons en premier lieu étudié les relatives dans deux corpus, le French Treebank (corpus écrit) et le Corpus de Français Parlé Parisien des années 2000 (corpus oral). Ces études nous ont permis de confirmer en partie les travaux de C. Blanche-Benveniste (1995) : l’usage de dont en français écrit diffère effectivement de son usage en français oral, mais dont est loin d’être réservé à l’oral à quelques expressions figées. Nous avons pu aussi confirmer l’étude de Godard (1980) : les dont complément de nom (extractions hors de SN) ne sont pas marginaux, et les plus frequents sont ceux où le nom est sujet, ce qui considéré comme agrammatical par certaines théories linguistiques comme agrammaticales. De ce point de vue, les corpus nous ont permis de vérifier que les extractions hors du SN sujet ne posent pas de problèmes en français. Leur usage est même plutôt répandu, et inclut les extractions hors de « vrais sujets » de verbes transitifs, contrairement aux prédictions des hypothèses de la grammaire générative. En grammaire générative en effet, les relatives comme les autres structures à extraction sont soumises à des contraintes d’îles (Ross 1957). Selon la contrainte de l’îlot nominal, il est plus difficile d’extraire un complément de nom qu’un complément de verbe. La contrainte de l’îlot sujet exclut quant à elle l’extraction du complément du sujet, qui n’est possible que lorsque le sujet est derivé (passif, moyen…) ou argument interne (Chomsky 2008). Or, nous constatons que les extractions hors de SN sujet sont plus fréquentes dans les corpus que les extractions hors de SN objet (en ce qui concerne les relatives en dont). Ce même fait est un argument en faveur de la théorie de la localité de Gibson, qui prévoit que l’extraction hors de SN sujet est non seulement bien formée mais moins coûteuse que celle hors de SN objet. D’autres observations sur les relatives en dont des deux corpus semblent corroborer cette théorie, comme par exemple la plus grande fréquence des sujets pronominaux ou inversés dans les relatives en dont dans lesquelles dont correspond à un complément du verbe. Dans un deuxième temps, nous avons mené une étude expérimentale de jugement d’acceptabilité afin de comparer les jugements de locuteurs natifs face à des relatives en dont correspondant à une extraction hors du SN sujet d’une part et à une extraction hors de SN objet d’autre part (la forme du sujet dans ces dernières, qui joue un rôle dans la théorie de la localité de Gibson, a été testée également). Les résultats de cette expérience sont eux aussi en accord avec les prévisions de la théorie de la localité de Gibson, les jugements étant significativement supérieurs pour les extractions hors de SN sujet par rapport aux extractions hors de SN objet.

Abstract

French relative clauses introduced by dont (from now on: dont-RC) have been well investigated on the theoretical level (Godard 1988) but have not lead to many empirical studies (Gapany 2004). Blanche-Benveniste (1995) observed that dont-RC are not very common in spoken French and restricted to the extraction of a few verb complements. The aim of this article is to describe dont-RC on the basis of three empirical studies: two corpus studies and one online experimental study. The corpus studies have been conducted on a written corpus (French Treebank) and on a spoken corpus (Corpus de Français Parlé Parisien des années 2000). The results confirm partly Blanche-Benveniste’s claim: the written usage of dont-RC differs from its spoken use, but it is not restricted in the later to specific idioms. Both corpora corroborate the work of Godard (1980) : dont is widely used as a complement on noun, extractions out of NP are not marginal, not even out of subject NP which are considered non-grammatical by some linguistic theories. The corpus studies show that this kind of extraction is widely-used in French and even concern “real subjects” of transitive verbs, which goes against the prediction made by many generative theories. In generative grammar, relative clauses (as well as any extraction) are subject to island constraints (Ross 1957). The nominal island constraint predicts that the extraction of a noun complement should be harder than the extraction of a verb complement. The subject island constraint rules out extractions out of subject NPs, which is claimed to be only acceptable when the subject NP is an underlying object (Chomsky 2008). However, in our corpora, dont-RC extractions out of NP subject are more frequent than extractions out of NP object. This observation confirms Gibson’s Dependency Locality Theory (DLT), which predicts that the extraction from subject NP should have less cognitive costs than the extraction from object NP. Other observations corroborate this theory as well: for example, that dont-RC corresponding to the extraction of the complement of a verb favor pronominal or inverted subjects. Our experimental study is an online acceptability task. Its aim is to compare the judgments from native speakers related to dont-RC implying an extraction out of subject NP and object NP (the kind of subject involved in the later case has an impact of the DLT’s predictions and have been tested as well). The results confirm again the predictions from the DLT: the judgments for the extraction out of subject NPs are significantly higher than for the extraction out of object NPs.