Limites de l'identité lexicale

Responsable : O. Bonami
Participants : L. Barque, O. Bonami, M. Candito, P. Caudal, B. Crysmann, C. Dobrovie Sorin, A. Kihm. 

Dans les approches de la grammaire qui donnent un statut théorique à la notion de mot, il est généralement supposé que le mot constitue l’interface entre la morphologie et la syntaxe : là où la morphologie élucide les relations de similarité et de différences entre mot en faisant émerger leur structure interne ou leur organisation en paradigmes ou en familles morphologiques, la syntaxe voit les mots comme des atomes. Si cette conception conception est globalement éclairante, il est bien connu qu’elle laisse de côté un reliquat important d’unités non strictement conformes. L’objectif de cette opération est de questionner les limites de l’identité lexicale en étudiant des unités dont le statut lexical est, d’une manière ou d’une autre, paradoxal. Trois phénoménologies seront plus particulièrement explorées.

  1. On appelle périphrase flexionnelle une construction dans laquelle la combinaison de plusieurs mots sert à réaliser des propriétés normalement réalisées par la morphologie flexionnelle. La flexion périphrastique est un domaine de recherche important pour le laboratoire depuis le précédent contrat, et la publication de travaux portant sur la modélisation des périphrases en général (Bonami, 2015) et d’études de cas sur des langues telles que le persan (Bonami et Samvelian, 2015), le gallois (Bonami, Borsley et Tallerman, 2016) le mauricien et le Kriyol (Henri et Kihm, 2016). Trois enjeux majeurs se dessinent pour le prochain contrat. Premièrement, nous prévoyons d’élargir la base empirique sur laquelle s’appuient les théories de la périphrase, notamment en direction des langues australiennes et de toute la diversité des langues créoles.  Deuxièmement, nous allons travailler sur les limites de la notion de périphrase flexionnelle, notamment en examinant les situations où la combinaison de deux éléments se rapproche d’une composition, ou celles où la relation de sélection entre élément principal et élément auxiliaire est inversée. Une partie du travail est en lien avec l’opération ń diachronie ż du domaine Variation et changement. Troisièmement, un important travail de modélisation formelle est nécessaire pour intégrer la théorie de la périphrase avec la théorie de la flexion URM (voir opération ń typologie et modélisation des systèmes morphologiques ż).
  2. Sont habituellement qualifiées de clitiques des unités dont le statut syntaxique se rapproche de celui d’un mot alors que leur statut phonologique se rapproche de celui d’un affixe. Cette caractérisation descriptive consensuelle est loin d’épuiser la question des clitiques : comme le montrent Spencer et Luís (2012), les unités qualifiées de clitiques se caractérisent à la fois par la diversité de leurs propriétés empiriques et la diversité des analyses qui en sont proposées. Trois questions à propos des clitiques seront au centre de notre attention : le statut des clitiques verbaux du roumain ; l’analyse des clitiques de seconde position dans un cadre lexicaliste ; et l’intervention d’éléments clitiques dans les périphrases flexionnelles (voir ci-dessus).
  3. On appelle unités polylexicales des lexèmes dont la réalisation est habituellement distribuée sur plusieurs mots syntaxiques. L’analyse des unités polylexicales est un enjeu important pour le laboratoire, notamment en lien avec le projet ANR Parseme-fr portant sur l’identification automatique des unités polylexicales, et avec le projet Procope One2Many portant sur les unités linguistiques à réalisations multiples. En plus d’une réflexion générale sur l’identification et la modélisation des unités polylexicales dans les langues du monde, un travail plus spécifique est prévu portant sur la classification des formes verbales dites pronominales du français, à l’épreuve d’une annotation en corpus. Nous tenterons de dégager des critères opératoires permettant de distinguer les phénomènes de lexicalisation (unités lexicales seV distinctes de leur forme apparentée non pronominale) de phénomènes mieux décrits comme des opérations sur la diathèse verbale.  Le travail effectué au sein de cette opération s’appuie sur plusieurs collaborations nationales et internationales, notamment au sein du LIA RoGrav, du GDRI SeePiCLa, du projet PHC One2Many, et du projet ANR Parseme-fr.