Séminaire HTL-Labex EFL : Cyril de Pins

Mardi 31 Mars 2015, 16:00 to 19:00
Organisation: 
Emilie Aussant
Lieu: 

ODG – Salle 101

16h-17h : Diana Luz Pessoa de Barros (Université Mackensie et Université de Sao Paulo)
La langue nationale du Brésil
La question de la construction du portugais comme langue nationale du Brésil est traitée en reprenant des études développées selon la perspective de la sémiotique discursive et qui portent sur les discours de la grammaire du portugais du XVIe siècle à nos jours. Deux parties composent alors cet exposé. La première se fonde principalement sur les travaux de Sylvain Auroux à propos de la grammatisation des langues et traite du rôle de la grammaire dans la construction des langues nationales. Selon Sylvain Auroux, ce rôle consiste à unifier les variations propres des pratiques langagières des langues et à construire, par le biais de cette unification, la langue nationale. Notre propos est de montrer que les discours grammaticaux, ainsi que les discours littéraires, qui créent des langues nationales, sont des discours de la norme unique et de la langue homogène, sans variations, qui se fondent donc sur le principe de l’exclusion et qui résultent de l’opération de tri, telle qu’elle est conçue par Zilberberg. La deuxième partie de l’exposé porte précisément sur le discours des grammaires brésiliennes du XIXe siècle et des œuvres littéraires de cette même période, lorsque l’État-nation brésilien et la langue nationale du Brésil se sont constitués, afin de montrer qu’il est aussi un discours d’exclusion par tri, à l’instar de tous les discours de construction de langue nationale. Dans le cas présent, l’opération de tri consiste à se distancier du Portugal et de ses usages linguistiques. Toutefois, il convient d’observer que les discours des grammaires brésiliennes et de la littérature de cette époque, alors qu’ils s’affranchissent du Portugal, construisent et valorisent l’identité linguistique « métisse » brésilienne par l’opération de mélange avec d’autres langues et usages (ceux des Indiens, des noirs et des immigrés). Les discours implicatifs, comme le sont, en général, ceux qui construisent la langue nationale, n’admettent aucune conjonction, car leurs termes contraires s’y opposent. Seuls les discours concessifs autorisent l’impossible et opèrent la conjonction entre des contraires, d’où résulte le terme complexe. Pour créer leur langue nationale, les grammaires brésiliennes et les textes littéraires du XIXe siècle concilient, alors, les termes contraires de pureté vs mélange. Cette langue ainsi construite est à la fois portugaise et brésilienne, la même bien que autre, ou autre bien que la même.
 

17h-19h : Cyril de Pins
L’explication dans les textes du Codex Wormianus – Islande XIIe-XIVe s. Expliquer le familier par le familier et l’étranger par le familier
Les textes linguistiques rédigés en Islande au moyen âge et conservés dans le Codex Wormianus couvrent une période de deux siècles, au cours desquels l’objet de leurs explications et leurs méthodes d’explication se modifièrent beaucoup. Les premiers textes s’intéressent surtout à la poésie scaldique, poésie vernaculaire souvent obscure et difficile à comprendre, pour des raisons sémantiques et pour des raisons métriques/syntaxiques. Ces difficultés semblent avoir donné aux scaldes une grande familiarité avec un certain nombre de problèmes posés par la langue, si bien que c’est grâce à la pratique et à la connaissance de cette poésie que les analyses phonologiques de la langue purent être conduites, en expliquant une langue familière, le norrois, par une pratique familière, la métrique de la poésie scaldique. La composition de ces textes fut cependant rendue nécessaire par une menace pesant sur la pratique de cette pratique poétique, à cause de la trop grande part de mythologie qu’elle supposait connue. La menace venait de la nouvelle religion chrétienne, menace qui apportait aussi la technique de l’écriture rendant possible une conservation matérielle du patrimoine menacé.
Entre 1150 et 1350, les autorités auxquelles les textes font volontiers référence changèrent : d’une référence exclusive aux scaldes, au familier, l’autorité passa à une référence de plus en plus grande aux auteurs latins, à la langue latine et aux méthodes latine. Les derniers textes proposent des explications de strophes poétiques qui n’ont plus rien d’autochtone et qui empruntent explicitement aux techniques de l’exégèse chrétienne. Désormais, c’est la culture importée, l’étranger, qui offre les ressources explicatives.
Le changement de régime d’explication était prévisible, dans la mesure où l’explication ne devint nécessaire, initialement, que dans une situation de confrontation avec une altérité, la culture chrétienne latine. Pour expliquer grammaire et poésie, la mythologie norroise fit place à l’exégèse, les figures norroises aux figures latines.