Les fragments comme unités linguistiques. Une analyse de corpus de l’espagnol oral

TitreLes fragments comme unités linguistiques. Une analyse de corpus de l’espagnol oral
Publication TypeChapitre d'ouvrage
Année de publication2019
AuthorsGarcia-Marchena, Oscar
Book TitleTypes d’unités et procédures de segmentation
Series VolumeCollection Etudes Linguistiques et textuelles
PublisherLambert-Lucas
CityParis
Abstract

Dans le discours oral on trouve une grande variété de structures dotées d’un contenu sémantique phrastique dont la syntaxe n’exprime qu’une partie de ce contenu. En effet, ces structures, qu’on appelle fragments, récupèrent une partie de leur contenu des structures qui le précèdent, comme les exemples en gras de (1) et (2).

(1) A: -¿Qué quieres? B: -Un perro. A: -‘Qu’est-ce que tu veux ?’ B: -’Un chien.’
(2) A: -Mira mi vestido. B: -¡Magnífico! A: -’Regarde ma robe.’ B: -’Magnifique !’

Ces unités, communément analysées comme des phrases elliptiques, présentent une grande diversité de propriétés syntaxiques, sémantiques et discursives qui, bien qu’ayant été objet de quelques études récents (Lefeuvre 1999 et suivants ; Fernández, R. and J. Ginzburg (2002) et suivants ; Abeillé & Delaveau 2016), présente de nombreux aspects qui restent encore à être clarifiés, comme par exemple, leur typologie. Ainsi, l’analyse de ces propriétés nous permet de distinguer des fragments qui correspondent à des phrases qui ont (au moins) une tête verbale elliptique (1) de ceux qui correspondent à des phrases averbales (2) dont l’argument sélectionné par la tête averbale est elliptique. De même, le fragment, comme construction à propriétés syntaxiques, sémantiques et illocutoires précises, se distingue du concept d’énoncé, comme on peut noter par l’accumulation de plusieurs fragments au sein d’un même énoncé (3,4). En conséquence, il est nécessaire de distinguer les fragments composés par plusieurs syntagmes (5) de l’accumulation de plusieurs fragments dans le même énoncé (3,4).

(3) A: -Nos vamos a la playa. B: -Vale, perfecto. ¿Cuándo?
A: -’Nous allons à la plage.’ B: -’Ok, parfait. Quand ?’
(4) ¿Ha venido alguien? Claro. María. A: -Quelqu’un est venu ? B: -’Bien sûr. Marie.’
(5) A: -¿Quién va a venir? B:-Seguramente María.
A: -’Qui viendra ?’ B: -’Probablement Marie.’

Enfin, les fragments semblent se distinguer des marqueurs d'énonciation par une propriété précise : les fragments ont un contenu sémantique phrastique et réalisent un acte illocutoire lors de leur énonciation. Les marqueurs, en contraste, réalisent un acte illocutoire sans avoir de contenu phrastique. Cette propriété permet de les différencier, même si en occasions un même mot peut être employé comme fragment et comme marqueur, comme on peut voir en (6,7), où l’on distingue le fragment, qui apporte un contenu évaluatif (6) (équivalent à “ton article me semble bon”) et réalise l’acte de réponse, du marqueur sans contenu phrastique (7), qui réalise l’acte illocutoire d’indiquer suivie de la conversation et acquiescement.

(6) ¿Qué te parece mi artículo? - Bueno. 
A: -’Comment te semble-t-il mon article?’ B: -’Bon.’
(7) Nos vamos -Bueno. A: -’On y va.’ B: -’Bon.’ (=OK.)

Nous proposons donc une typologie qui permet de distinguer, d’un côté, les fragments issus des phrases averbales avec ellipse de l’argument sélectionné par la tête prédicative (2), et de l’autre, les fragments qui correspondent à des phrases verbales elliptiques (6). Parmi les premiers on trouve des fragments avec des contenus sémantiques évaluatifs (2) et épistémiques (5), alors que parmi les secondes on trouve des fragments avec coréférence, comme María en (4), et sans coréférence, comme ¿Cuándo? ‘Quand ?’ en (3). 

Enfin, on trouve aussi des fragments qui complètent leur contenu grâce à un contenu illocutoire : un pour chacun des cinq types majeurs d’acte de parole de Searle (1969) : représentatifs (-Encantado. ‘Enchanté’), expressifs (-Buenas tardes ‘Bonsoir’), promissifs (- Una cerveza? ‘Une bière ?’), directifs (¡A comer!. ‘A table !’) et déclaratifs ou performatifs (¡Castigado! ‘Puni !’). De même, la typologie de fragments avec coréférence peut être enrichie si l’on distingue l’acte de parole résultant de la relation entre la source et la cible de
la coréférence : réponse (4), acquiescement (vale ‘d’accord’ en (3)), suivi, demande de confirmation et correction. 

Cette classification a été réalisé grâce au recueil et à l’analyse des propriétés de l’ensemble d’énoncés sans verbe du corpus CORLEC (Marin, 1992) de l’espagnol oral contemporain. Ce corpus est composé d’environ 1 100 000 mots et plus de 63 000 énoncés, distribués en 17 genres différents, qui assurent une quantité et une diversité langagière. Ce travail sur corpus
fournit une profusion et une variété d’exemples qui permet de rendre compte des possibilités d’articulation syntaxique des fragments, tels que leur structure et type syntaxique, leur valeur illocutoire et la partie de discours de la tête. Ce travail permet également de noter la distribution de chaque type de fragment dans les différents genres qui composent le corpus, regroupés en tant que dialogiques ou monologiques.

URLhttp://www.lambert-lucas.com/livre/types-dunites-et-procedures-de-segmentation/