Implication de la mémoire de travail dans l’apprentissage d’itinéraires

TitreImplication de la mémoire de travail dans l’apprentissage d’itinéraires
Publication TypeCommunication
Année de publication2011
AuthorsGras, Doriane, and V. Gyselinck
Titre de la conférenceCongrès National de la Société Française de Psychologie
Lieu de la conférenceMetz, France
Full Text

Implication de la mémoire de travail dans l’apprentissage d’itinéraires

Un paradigme de double tâche a été utilisé pour étudier l’implication des composantes verbales et spatiales de la mémoire de travail dans l’apprentissage de nouveaux itinéraires. Les sujets effectuaient une tâche concurrente de suppression articulatoire pendant la présentation d’un itinéraire dans une ville virtuelle, une tâche concurrente de tapping pendant la présentation d’un autre itinéraire, et aucune tâche concurrente pendant la présentation du troisième itinéraire. La représentation mentale des sujets était ensuite évaluée à l’aide de différentes tâches. Les résultats indiquent que la mémorisation des détails visuels de l’itinéraire n’est pas affectée par les doubles tâches. En revanche, la mémorisation des directions, associées aux repères ou non, est perturbée par la suppression articulatoire et le tapping. De plus, les hommes et les femmes ont des résultats identiques pour reconnaître les bâtiments des itinéraires et les directions lorsque des repères sont présents, mais les hommes ont de meilleurs scores que les femmes pour retrouver les directions sans repère.

 

Introduction :

Une grande attention a été portée sur le rôle de la mémoire de travail (MDT) dans l’apprentissage et la navigation spatiale. La mémoire de travail visuo-spatiale (MDT VS) serait impliquée dans l’apprentissage de cartes (Coluccia, Bosco, & Bradimonte, 2007). Lors de l’apprentissage d’itinéraires à partir de la navigation, la MDT VS et la MDT verbale (MDT V) interviendraient de façon différente selon les capacités visuo-spatiales des sujets (Garden, Cornoldi, & Logie, 2002 ; Baldwin & Regan, 2009). Ces deux composantes de la MDT joueraient également un rôle dans l’apprentissage d’itinéraires à partir de descriptions spatiales (e. g. Gyselinck, Meneghetti, De Beni, & Pazzaglia, 2009). Afin de préciser dans l’apprentissage de quelles dimensions de la représentation spatiale sont impliquées la MDT VS et la MDT V, nous avons utilisé un paradigme de double tâche. L’objectif de cette expérience est de déterminer l’implication de la MDT VS et la MDT V dans la construction de représentations spatiales d’itinéraires à partir d’informations visuelles et de préciser leur relation.

 

Matériel et méthode :

Sujets : Dix huit hommes et dix huit femmes, étudiants en 2ème année de psychologie à l’Université Paris Descartes, ont participé à l’expérience.

Matériel : Quatre villes virtuelles ont été construites, une pour l’itinéraire d’entraînement et trois pour les itinéraires expérimentaux (la mairie, le restaurant, et le supermarché). Différents repères étaient disposés dans chaque itinéraire comme la librairie, les fontaines, le musée... Des enregistrements vidéos de chacun des itinéraires ont été faits, équivalents en durée et en complexité.

Procédure : L’expérience a été réalisée dans un box du laboratoire de psychologie et neuropsychologie cognitives.

Après une phase d’entraînement, les itinéraires de la mairie, du restaurant et du supermarché étaient présentés aux sujets à l’aide d’un vidéo projecteur. Les sujets effectuaient une tâche concurrente de suppression articulatoire pendant la présentation d’un itinéraire, une tâche concurrente de tapping pendant la présentation d’un autre itinéraire, et aucune double tâche pendant la présentation du troisième itinéraire. L’ordre de présentation des itinéraires, ainsi que l’affectation de la double tâche à chaque itinéraire étaient contrebalancés parmi les sujets.

Après la présentation de chaque itinéraire, les sujets effectuaient trois tâches :

- une tâche de reconnaissance visuelle, deux images étaient présentées à l’écran, celle d’un bâtiment de l’itinéraire et une version modifiée de cette image, les sujets devaient indiquer laquelle faisait partie de l’itinéraire.

-  une tâche de reconnaissance des directions avec les repères, dans laquelle des images de carrefours de l’itinéraire étaient présentées aux sujets. Un repère était visible sur chacune des images ; le point de vue était le même que dans la vidéo pour la moitié des images, et différent de celui de la vidéo pour l’autre moitié. La tâche des sujets était d’indiquer la direction  à prendre à chacun de ces carrefours (à droite, à gauche ou tout droit) pour aller au même endroit que dans la vidéo.

- une tâche de reconnaissance des directions sans repère, dans laquelle une vidéo de l’itinéraire était présentée aux sujets, avec uniquement la route, sans aucun bâtiment. Là encore, les sujets devaient indiquer, à chaque intersection, la direction à prendre.

 

Résultats :

Le nombre de bonnes réponses à la tâche de reconnaissance visuelle était le même quelle que soit la condition de double tâche, le score des hommes et des femmes ne différait pas, et l’interaction entre le facteur double tâche et le facteur sexe était non significative.

 

Le nombre de bonnes réponses à la tâche de reconnaissance des directions avec les repères était plus important dans la condition contrôle (sans double tâche) que dans la condition suppression articulatoire et la condition tapping. Lorsque les images étaient présentées avec le même point de vue que dans la vidéo, les sujets donnaient plus de bonnes réponses et répondaient plus rapidement que lorsque le point de vue était différent de celui de la vidéo. Les hommes et les femmes obtenaient les mêmes résultats à cette tâche de reconnaissance des directions avec les repères et aucune interaction n’était significative.

 

Le nombre de bonnes réponses à la tâche de reconnaissance des directions sans repère était plus important chez les hommes que chez les femmes. Chez les femmes, les scores étaient plus élevés dans la condition contrôle que dans les conditions suppression articulatoire et tapping. Chez les hommes, l’effet du facteur double tâche était non significatif, probablement à cause de l’effet plafond observé.

 

Discussion :

Les hommes étaient meilleurs que les femmes dans la reconnaissance des directions, uniquement dans la condition où les repères n’étaient pas présents. Cela est cohérent avec l’idée que les femmes se servent plus des repères que les hommes pour indiquer un itinéraire (Lawton, 2001).

Le paradigme de double tâche montre que la MDT VS et la MDT V sont impliquées dans la mémorisation des directions associées ou non aux repères. En revanche, ces composantes de la MDT ne seraient pas impliquées dans la mémorisation des détails visuels.

 

Références bibliographies :

Baldwin, C. L., & Reagan, I. (2009). Individual differences in route-learning strategy and associated working memory resources. Human Factors, 51, 368-377.

Coluccia, E., Bosco, A., & Brandimonte, M. A. (2007). The role of visuo-spatial working memory in map learning: new findings from a map drawing paradigm. Psychological Research, 71, 359-372.

Garden, S., Cornoldi, C., & Logie, R. H. (2002). Visuo-spatial working memory in navigation. Applied Cognitive Psychology, 16, 35-50.

Gyselinck, V., Meneghetti, C., De Beni, R., & Pazzaglia, F. (2009). The role of working memory in spatial text processing : what benefit of imagery strategy and visuospatial abilities ? Learning and Individual Differences, 19, 12-20.

Lawton, C. A. (2001). Gender and regional differences in spatial referents used in direction giving. Sex Roles, 44(5/6), 321-337.