Guoyu -- langue nationale. Un concept nativisé puis surpassé

TitreGuoyu -- langue nationale. Un concept nativisé puis surpassé
Publication TypeCommunication
Année de publication2024
AuthorsSaillard, Claire
Titre de la conférenceLes mots de Taiwan. Emergences, médiations, interprétations
Date de publication03/2024
Lieu de la conférenceINALCO, Paris
Abstract

Les origines du terme de guoyu 國語, ou « langue nationale » ne font pas actuellement l’unanimité. Si Zhang (2011), citant des sources de 1631, rapporte que le terme désignait sous la Dynastie des Qing la langue mandchoue par opposition au chinois, Chen (1993 : 509) date quant à lui  son emprunt au Japon (où le terme désignait la langue japonaise) à la toute fin de la dynastie des Qing (soit le tout début du XXe siècle). Il remplace alors le terme de 官話 guanhua (mandarin), lingua franca des fonctionnaires, englobant plus largement les parlers ordinaires de Chine du Nord, par opposition aux « dialectes » régionaux. Guoyu devient ensuite le terme officiel désignant la langue de la République de Chine, fondée en 1911. Ce n’est que dans les décennies suivantes que sont pleinement définies les caractéristiques de cette langue, en termes phonétiques, lexicaux et grammaticaux.

A Taiwan, le gouvernement nationaliste de la République de Chine promeut le guoyu dès 1947 comme langue officielle et nationale, avec toutes les fonctions attachées à ce statut (Kubler 1981 ; Young 1987 : 58-65 ; Peyraube 1988 : 107-109).

Néanmoins, la langue ainsi désignée répond de fait à une variété de noms (Mair 2013 en recense une douzaine), chacun portant une conception ou un projet politique distincts. Pour ne citer que les plus connus :  putonghua 普通話 (langue commune) est adopté officiellement en République Populaire de Chine dès 1955, 華語 huayu (langue chinoise) à Singapour en 1979 (Guo et Wang 2005) tandis qu’à Hong Kong, huayu désigne la langue chinoise utilisée localement (une variété du cantonais).

A Taiwan même, le terme de guoyu cohabite initialement dans l’usage avec d’autres termes (beijinghua 北京话, voire beipinghua 北平话). Par ailleurs, la langue elle-même cohabite bien évidemment avec d’autres langues : langues sinitiques -- taiyu/minnanyu, kejiahua ; langues austronésiennes formosanes aux appellations fluctuantes (Saillard 2000).

Dans le contexte historique et politique taiwanais des 8 dernières décennies, nous examinerons comment le terme de guoyu, de sa naissance au Japon à son usage à Taiwan, en passant par son premier emprunt par la Chine, a été nativisé. Au-delà du terme, nous nous interrogerons également sur l’adoption de la langue elle-même par les Taiwanais.

 

Références

Chen, P. "Modern written Chinese in development." Language in Society 22.4 (1993) : 505-537.

 

郭佳,王显志 2005)新加坡华语运动的回顾与展望。长治学院学报2005年第6期。

 

Kubler, C.C.(1981) , The development of Mandarin in Taiwan: a case study of language contact, PhD Dissertation, Cornell University.

 

Mair, V. H. (2013), "The Classification of Sinitic Languages: What Is "Chinese"?", in Cao, G.; Djamouri, R.; Chappell, H.; Wiebusch, T. (eds.), Breaking Down the Barriers: Interdisciplinary Studies in Chinese Linguistics and Beyond, Beijing: Institute of Linguistics, Academia Sinica, pp. 735–754.